L’acquisition d’entreprises n’est pas un phénomène nouveau. Il s’est toutefois accentué ces dernières décennies et pourrait s’accélérer dans le contexte économique actuel.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette stratégie d’accélération : prise de nouvelles parts de marché, remplacement d’une offre vieillissante, ajout de fonctionnalités à haute valeur ajoutée qui enrichissent l’offre globale, etc…
Pour le cédant, au-delà des intérêts financiers purs, c’est souvent l’opportunité de s’adosser à une structure plus conséquente pour pérenniser sa croissance et atteindre une taille critique en profitant d’un effet d’échelle.
Passée la période d’excitation, d’autocongratulation et de communication, les deux entités vont devoir, dès la signature de leur « mariage », apprendre à vivre, à travailler ensemble. C’est un bouleversement majeur pour ces dernières et des enjeux conséquents pour le Groupe.
Alors que chaque entreprise a su, jusque-là, adapter (tant bien que mal) ses méthodes de management à sa croissance intrinsèque, les « mariés » changent de paradigme pour jouer dans une cour bien différente… celle de la transformation.
Quelles bonnes pratiques pour réussir son intégration ? La réponse n’est pas magique et relative au contexte. Intéressons-nous cependant à quelques « réflexes » souvent rencontrés :
- Communiquer, oui, mais sans infantiliser !
Donnez de la visibilité à vos interlocuteurs. Nourrissez-les de votre projet, aidez-les à comprendre les raisons de vos choix, les opportunités… et les risques que cela représente.
Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, vous me répondrez ? Certes, mais vous serez étonné par la capacité de vos équipes à fédérer autour d’un problème de société. Tout collaborateur bienveillant n’a aucun intérêt à voir son entreprise échouer. On observe d’ailleurs bien plus de cohésion autour d’une problématique de société qu’autour de l’affichage des bons résultats annuels de l’entreprise. Ne dîtes rien, pire, enjolivez la situation et vous perdrez, à terme, toute la volonté et la confiance qui vous entourent. Et soyez assuré d’une chose, les meilleurs potentiels vous quitteront en premier… pour le bonheur de vos concurrents.
La communication demande du temps, de la volonté et une solide structure de management et rappelez-vous, la nature a horreur du vide.
- Agir ou réagir : telle est la question !
Intégrer n’est pas subir. Cela requiert une organisation, des compétences spécifiques (certaines dédiées) et une solide gouvernance. De plus en plus d’entreprises l’ont compris même si cela reste encore marginal. Bien souvent, on délègue quelques tâches majeures à certains collaborateurs de confiance tout en continuant de leur demander de gérer les affaires courantes !
Une des qualités que l’on observe dans les Groupes les mieux préparés est l’anticipation des investissements nécessaires à leur stratégie de croissance externe. On voit naître, chez certains, de nouvelles organisations plus orientées « filiales » autour d’un chef d’orchestre (interne ou externe, aux côtés du dirigeant) qui pilote l’ensemble des opérations avec une vision globale Groupe. Pas d’organisation type mais une réelle prise de conscience des enjeux, des opportunités et des risques d’intégration. Couteux, vous allez me dire ? Oui, si on se focalise sur le court terme… Mais à long terme, une nouvelle compétence qui assurera la concrétisation du projet, dans le temps, et servira à d’éventuelles autres acquisitions. A l’inverse, d’autres structures font davantage « avec les moyens du bord » (fonctionnements historiques) et subissent plus de situations de crise pour lesquelles, à terme, l’investissement s’avère plus important et la richesse humaine (donc la compétence de l’organisation) plus discutable.
- Intelligence collective, parlez-en moins, pilotez plus !
Alors que la croissance dite interne nécessitait d’adapter ses processus de montée en compétences et d’accompagnement des nouvelles recrues, la croissance externe, elle, demande de changer d’angle de vue. Vos nouveaux collaborateurs (issus du rachat) ont leur méthode et vont continuer à travailler sur leurs produits. L’opération qui consistait à les « fondre dans le moule » ne fonctionne plus. Pire, elle risque de faire capoter votre opération. Nous avons tous en mémoire des exemples où l’acquéreur impose ses méthodes à marche forcée (tel un bulldozer) au détriment des qualités (complémentaires) que pourraient lui apporter ces nouvelles forces vives, ce nouveau monde. D’autres laissent vivre « librement » chacune des entités rachetées au détriment d’une cohérence globale et de la création de valeur pour les clients.
L’intelligence collective consiste à mettre en commun des compétences, connaissances, créativités, capacités de réflexion et de résolution de problèmes… au service d’un objectif commun. Quoi de plus simple et logique que de faire phosphorer toutes les cellules grises de l’entreprise. Mais attention, une intelligence collective doit être pilotée, managée. Elle n’a de sens que pour servir le triptyque Groupe/Collaborateurs/Clients. Trop d’entreprises (souvent en période de crise) se lancent dans l’aventure, ouvrant de multiples sujets à ses collaborateurs (certaines veulent d’ailleurs simplement fidéliser). Sans gouvernance claire, objectifs précis, contraintes respectées, responsabilité des acteurs (…), cette quête se transforme rapidement en « liste au Père Noël » puis en fiasco. Elle ne générera que perte de temps, d’argent, confusion, tension et frustration. Autant ne rien faire ! A l’inverse, concentrer les compétences appropriées (choisies), les manager sur des sujets précis tout en les sensibilisant au contexte réel du Groupe ne peut que nourrir une évolution pragmatique, pas à pas, pour le bonheur de tous.
Que du bon sens ? Cela ne semble pas si évident quand on regarde la réalité. On estime que, au niveau mondial, les opérations de fusions/acquisitions connaissent un taux d’échec situé entre 50% et 60%, dont 50% seraient issus de l’intégration entre les entités.